dimanche 25 mars 2012

Elle et le Black Fashion Power. Retour sur une polémique



Comme une tentative de lynchage médiatique

Il s'agit de savoir s'il est possible au Noir de dépasser son sentiment de diminution, d'expulser de sa vie le carac­tère compulsionnel qui l'apparente tant au comportement du phobique. Chez le nègre, il y a une exacerbation affec­tive, une rage de se sentir petit, une incapacité à toute communion humaine qui le confinent dans une insularité intolérable. (Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs, Ed. du Seuil, 1952, p. 40) (*)


Marie-Guilhelmine Benoist (1768-1826), Portrait d'une négresse, 1800, Huile sur toile, 81 x 65 cm, Louvre, Paris


La mode ? Ben, c'est tout ce qui se démode ! (Jean Cocteau)

Et, a contrario, tout ce qui ne se démode pas n'intéresse pas le monde de la mode !

Avant de revenir sur cette bien étrange polémique, peut-être aurai-je besoin de préciser que je suis du sexe masculin, que j'ai la peau bien noire - aux Antilles, je n'aurais été ni  mûlatre, ni quarteron, ni octavon, ni chabin...-, que du plus loin que je puisse me rappeler, j'ai toujours parlé au moins deux langues : ma langue maternelle et le français, pour commencer, puis d'autres langues européennes, que si, enfant, j'ai été nourri aux préludes et fugues de Bach et autres concerti grossi de Haendel, ma discothèque n'en comporte pas moins des spécimens de musique du monde entier, des pygmées de nos forêts équatoriales à l'Inde de Subramaniam, Shankar et Chowdury, de Pink Floyd à Gus Viseur ou de Terry Riley à Paco de Lucia... La liste est longue.

Ma devise ? Plus éclectique que moi, tu meurs !

Est-ce pour donner le change que le lobby de personnalités noires qui s'est constitué contre la journaliste Nathalie Dolivo a cru bon d'enrôler quelques personnalités de type caucasien, histoire de brouiller les pistes et ne pas se faire taxer de communautarisme ?

Pour ma part, j'ai trouvé plus qu'excessives certaines prises de position, à commencer par celle d'Audrey Pulvar sur France Inter, qui parle d'un article de merde.

J'aime bien Audrey Pulvar, mais là, je concède que nous ne devons pas avoir lu le même papier.

Sur mon autre blog, medias-tics, j'ai exposé un certain nombre de documents, dont je vais entreprendre la lecture critique ici même.

Ça va prendre le temps que ça prendra, mais vous connaissez peut-être mon autre devise ? Qui va piano va sano !

À plus... !  


Prochain épisode : Papier de merde...


(*) Je cite ce passage de l'ouvrage de Fanon parce que je le trouve tout à fait emblématique de son propos, même si je ne partage en rien sa thèse. Mais nous en reparlerons plus tard.

Lien 

Elle et le Black Fashion Power (1/10) Retour sur une polémique



N'étant pas un adorateur de la presse féminine, dans laquelle j'ai toujours vu un alignement de placards publicitaires ou de "publireportages" encadrés par quelques pages rédactionnelles ici ou là - c'est ma vision de la chose en tout cas -, la probabilité de me voir accéder à un article du magazine Elle - hormis un fameux marronnier auquel je m'intéresse depuis longtemps : le dossier récurrent de milieu de printemps, soit autour du mois d'avril, sur les fameux kilos à perdre absolument avant l'été ! - était assez faible, jusqu'à ce matin de janvier, où j'ai capté "live" un bien tonitruant "billet" d'Audrey Pulvar sur France Inter, suivi d'une pétition reproduite dans lemonde.fr, deux textes (ré)exposés ci-dessous. Les numéros entre parenthèses sont de mon fait et vont appeler quelques commentaires.





Papier de merde... (Audrey Pulvar)

(...)

Contentons-nous de réclamer de ce magazine un minimum de respect dû à ses lecteurs et de rigueur de la part de ses « journalistes »… Par exemple quand il prétend décrire le « phénomène »  Black Fashion Power (2) dans un article dont la bêtise et l’inanité ne tarderont pas à servir de modèle du genre « papier de merde », dans les écoles de journalisme (3). Sur les captures d’écran réalisées par quelques bloggeurs, on peut tout de même lire cet article fantôme (1). On y apprend que, ouvrez les guillemets : « Dans cette Amérique dirigée pour la première fois par un Noir, le chic est devenu une option plausible pour une communauté [noire] jusque-là arrimée à ses codes streetwear ». Ainsi, avant les Obama, les Noirs, au moins aux Etats-Unis, ignoraient-ils « le chic » (4). Pas une option pour eux. Voilà qui fera plaisir à Condoleeza Rice. Comme à des cohortes de Noirs, femmes et hommes, maires, députés, conseillers politiques de premiers plans, architectes, médecins, secrétaires, banquiers, policiers, juges, avocats, enseignants, cinéastes, comédiens on en passe et des meilleurs, se mouvant tous les jours dans leurs villes, leurs rues, leurs bureaux, leurs métros en affichant les mêmes codes vestimentaires que les milieux dans lesquels ils évoluent (5). Ont-ils attendu le couple Obama pour mettre au placard la ceinture de bananes et les soutiens gorges en noix de coco ? Ah non, on a mal lu : ils étaient « arrimés au streetwear »… ?! (6) Mais combien d’entre eux, imagine la journaliste du magazine Elle, se présentent au bureau habillés façon « streetwear» ? A moins que dans son esprit, un Noir ne soit destiné qu’à tourner des clips de rap ou à vendre de la drogue aux coins de rues, dans la tenue préférée des petits dealers: jean baggy et tee-shirt XXL ? (6bis)

La stupidité de l’article ne s’arrête pas là, puisqu’il nous est expliqué que dans le sillage de Michelle Obama, qui décline « en mode jazzy », forcément, le vestiaire de Jackie Kennedy, « l’audace et la créativité se sont réveillées »… Mazette ! Sainte Michelle, un temps adepte de robes à fleurs importables, nous montrerait donc la voie ! (7)  Mais attention, pour les noires fashionistas, les « black-geoises » comme les surnomme Elle, bien qu’ayant « intégré tous les codes blancs » (sic), pas question d’oublier leurs « racines » ! Ainsi, ces nouvelles égéries du style n’oublieraient jamais de casser le classicisme blanc avec « un boubou, un collier en coquillage ou… une créole de rappeur » (8) ! Ben voyons ! Mais au fait, madame la journaliste de Elle, de quelles racines parle-t-on exactement pour des Noirs présents depuis 4 siècles sur le continent nord-américain (8 bis) et qui, comme d’autres communautés, ont bâti, au prix que l’on sait, leur pays d’aujourd’hui ? Et en quoi  la « communauté noire » est-elle une entité homogène et moutonnière ? (9)

Pour appuyer sa navrante démonstration, Elle.fr déforme les  propos de John Caramanica, journaliste mode au New York Times, ça fait toujours sérieux. Caramanica estimerait, nous dit Elle, que ce retour au style constitue pour les Noirs « une source de dignité »… Un détour par le site du journal américain montre pourtant que Caramanica consacrant un article à deux jeunes Noirs de Brooklyn, créateurs de mode très en vogue, écrit qu’ils perpétuent une tradition datant de l’émergence de Harlem et ayant accompagné les luttes menées par les Noirs, pour le respect de leurs droits fondamentaux, tradition du vêtement comme vecteur de leur dignité (10). L’article imbécile et raciste (11) de Elle, provoque à juste titre l’indignation et les moqueries de milliers d’internautes, en France comme aux Etats-Unis où il est relayé par plusieurs sites. Des excuses sont-elles une « option plausible » pour ce journal ?

Affaire à suivre.


Une pétition dans lemonde.fr

Après le papier vengeur d’Audrey Pulvar sur France Inter, la polémique est encore montée d'un cran, avec cette pétition relayée par lemonde.fr, et au sein de laquelle Audrey Pulvar et Sonia Rolland figurent en bonne place.

C'est le magazine Elle qui nous l'apprend : en matière de mode, en 2012, "la ‘black-geoisie' a intégré tous les codes blancs…" (12). D'ailleurs, "le chic est devenu une option plausible pour une communauté jusque là arrimée à ses codes streetwear." Eh oui, tandis que durant des décennies les Noirs se sont habillés comme des "cailleras" à capuche, ils ont enfin compris, grâce à l'enseignement des Blancs, qu'il convenait de faire plus attention à leur apparence (13). Voilà la teneur d'un article paru le 13 janvier dans l'hebdomadaire préféré des ménagères de la "white-geoisie" (puisqu'apparemment il faut désormais distinguer les bourgeois eux aussi racialement), intitulé "Black fashion power", tentant d'analyser les raisons du succès sur les red carpets de personnalités afro-américaines. (14)

Et c'est simple : si les Noirs sont enfin chics, c'est parce qu'ils ont désormais une icône digne de ce nom, Michelle Obama, qui donne le ton en "revisitant en mode jazzy le vestiaire de Jacky O." Oui, car toute première dame qu'elle soit, Michelle Obama elle-même n'a pu s'inspirer que d'un modèle blanc ; et comme elle a le rythme dans la peau, elle y ajoute une touche jazz, normal. (15)

Mais attention, les Noires n'ont pas intégré ces codes  "de manière littérale. C'est toujours classique avec un twist, bourgeois avec une référence ethnique (un boubou en wax, un collier coquillage, une créole de rappeur…) qui rappelle les racines." N'avez-vous pas remarqué l'os que Halle Berry arbore fièrement dans son nez ? Ne voyez-vous pas à quel point Rama Yade aime rappeler ses exotiques "origines" en se drapant dans un pagne léopard avant de prononcer ses discours ? (16)

Il serait temps que les rédactrices de Elle s'aventurent hors de leurs bureaux vitrés du quartier d'affaires de Levallois-Perret afin de se mêler à la population, ce qui leur permettrait de voir à quoi ressemblent les Noirs et comment ils s'habillent en vrai. Il serait également temps de se rendre compte que des femmes noires, il y en a aussi en France, qu'elles ne vivent pas toutes aux Etats-Unis et ne sont pas toutes stars de la chanson, du cinéma ou du sport (17). Pourquoi ramener toute femme noire élégante à Michelle Obama, et pourquoi toujours comparer à Barack Obama Omar Sy dans le film Intouchables - et avec lui beaucoup de Noirs élégants en France (18) -, dès lors qu'il passe du jean-basket au costume noir-chemise blanche ? A défaut de fréquenter des Noirs, la consultation de la presse de ces dernières années suffit pourtant à constater qu'il y a même eu des femmes noires au gouvernement, à l'Assemblée Nationale, à la présentation de journaux télévisés et au cinéma !

Enfin, un peu de recherche et de bon sens nous aurait épargné l'affirmation selon laquelle "pour la communauté afro, le vêtement est devenu une arme politique", dépréciant par là la véritable et douloureuse histoire des combats des minorités noires en faisant de la moindre starlette bien habillée (19) la porte-parole de cette lutte. Quant aux Noirs qui ne font pas de politique, on se demande s'ils se promènent nus… (20)

Tout cela aurait pu n'être qu'une banale affaire d'inculture et d'ignorance vite oubliée, si le magazine avait daigné répondre aux nombreuses protestations de lectrices et lecteurs choqués par l'article. Car c'est sa publication sur le site web du magazine qui déclenche une vague d'indignation sur les réseaux sociaux, les blogs mode (AfroSomething, BlackBeautyBag, ThaCrunch et TiModElle) - grâce auxquels l'affaire traverse l'Atlantique - et même sur Elle.fr, où en quelques jours plus de mille commentaires réclamant des explications ou des excuses sont postés. Réponse de la rédaction : aucune. Jusqu'à ce que le 24 janvier, Valérie Toranian, directrice de la rédaction, se fende d'un petit commentaire dont il ressort en substance que les "indignés" n'ont rien compris à l'article. Nouvelle vague de protestations, aboutissant  finalement à la suppression pure et simple de l'article. Mais le mal est fait. Jeudi matin, sur France Inter, Audrey Pulvar dénonce le papier dans un édito intitulé "Y a bon Obamania", avant d'être invitée vendredi soir dans le Grand Journal de Canal+ pour débattre face à Valérie Toranian. Si la directrice de la rédaction y exprime des regrets, elle maintient sa position et persiste en affirmant avoir voulu être "bienveillante" avec les Noirs (21). En d'autres mots, si les propos sont offensants, les intentions étaient bonnes, alors pourquoi se plaindre ? Les Noirs, hommes ou femmes, n'ont pas besoin de bienveillance, mais d'égalité (22). Or cette affaire est un révélateur : l'article est le symptôme médiatique d'une exclusion à la fois culturelle et sociale (23). 

Puisque le débat a été lancé, poursuivons-le. Nous aimerions ici suggérer aux salariés de Elle d'essayer d'ouvrir leurs horizons. Puisque la tendance est à la "black fashion", pourquoi ne pas y adhérer en recrutant par exemple plus de rédactrices noires ? (24) Et pourquoi pas, soyons fous, choisir une femme noire pour poser sur la couverture du magazine? Juste une fois, pour voir ? (25) Deux millions de femmes noires en France, qui dépensent sept fois plus d'argent dans les cosmétiques que leurs congénères blanches (26), et dont le pouvoir d'achat grandissant constitue un marché en expansion pour les produits de beauté et de mode, est-ce si négligeable ? (27) Car ce "racisme structurel" de notre société, dont parle si bien Valérie Toranian sur les plateaux de télévision, est aussi alimenté par l'absence des femmes noires à la Une des titres de presse féminine : en près de 70 ans d'existence, Elle n'a daigné accorder sa couverture qu'à une poignée de femmes noires (28). Pourquoi la bienveillance du magazine envers les "black-geoises" se limiterait-elle à un dossier spécial chaque année bissextile ? Quand celles-ci auront-elles droit de cité dans les pages du magazine sans se voir affublées de qualificatifs grotesques ? C'est sur ce sujet que nous aurions aimé l'entendre l'autre soir et que nous l'attendons désormais.


Des observations ? 


  • Pulvar

01. Question de méthodologie. Audrey Pulvar commençait son papier par un constat, à savoir que l'article en question avait disparu du site du magazine Elle, ce qui lui a valu de se rabattre sur des captures d'écran opérées par des bloggeurs. J'en déduis, donc, que Pulvar n'a pas eu l'intégralité du texte sous les yeux au moment de composer son "billet". Peut-on, donc, dire en toute objectivité qu'Audrey Pulvar ne se réfère qu'à des extraits d'un texte qu'elle n'a pas lu en totalité ? Dans la rubrique : "La paille et la poutre", ce n'est pas mal du tout !

02. Le phénomène "Black Fashion Power"...

Et là, on pense à un complément du nom, et l'on pense à 'phénomène... de mode'. Il s'agit bien d'une mode.

03. Modèle du genre "papier de merde" dans les écoles de journalisme. 

Oui, mais papier de merde mal lu, de toute évidence. Du coup, je m'interroge : étant donnée la rigueur intellectuelle plus qu'approximative avec laquelle elle a agi en l'occurrence, dans quelle catégorie Audrey Pulvar rangerait-elle son propre papier, rapport à la typologie en cours dans les écoles de journalisme ? Voilà qui renvoie le fils - non croyant - de pasteur que je suis au texte de référence des Chrétiens ; je pense à cette fameuse parabole dite du Pharisien et du Publicain (Luc 18, 9-14). Et j'ai déjà évoqué la réflexion autour de la paille et de la poutre (Luc, 6, 41). 

04. Le chic est devenu une option plausible pour une communauté noire jusque là arrimée à ses codes street-wear.

Là, j'avoue que la phrase est discutable; mais je n'ai jamais prétendu qu'il n'y ait pas matière à discussion dans cet article, et s'il y a amalgame dans ce papier, c'est précisément ici, entre les adeptes - nombreux - du street-wear, surtout parmi un public masculin et populaire, d'une part, et une bourgeoisie plus âgée, d'autre part. Le terme "communauté" me semble, donc, inapproprié ici.

05. ... en affichant les mêmes codes vestimentaires que les milieux dans lesquels ils évoluent.

Voilà qui n'est pas faux, surtout si l'on pense au caractère prescripteur de certaines icônes (du sport ou du spectacle), capables d'orienter les choix vestimentaires de beaucoup de personnes, surtout jeunes et "branchées".

06. 06bis. Ont-ils attendu le couple Obama pour mettre au placard la ceinture de bananes et les soutiens-gorge en noix de coco ? (...) A moins que dans son esprit, un Noir ne soit destiné qu’à tourner des clips de rap ou à vendre de la drogue aux coins de rues... 

Ça s'appelle de l'extrapolation, consistant à faire peser la critique sur ce qu'on croit que l'autre voulait dire mais n'a pas dit. Curieuse méthode, à la limite de la malveillance gratuite ! Et qui me fait irrésistiblement penser à ce passage de la fable de La Fontaine (Le loup et l'agneau).

- Si ce n'est toi, c'est donc ton frère !
- Je n'en ai point.
- C'est donc quelqu'un des tiens !


07. Michelle Obama, qui décline « en mode jazzy », forcément, le vestiaire de Jackie Kennedy. 

Question : il est où, le problème, dans la simple affirmation ou dans l'inexactitude éventuelle de ladite affirmation ? Au fond, Audrey Pulvar s'est-elle simplement donné la peine d'infirmer, preuves à l'appui, l'allégation de Nathalie Dolivo ? Et s'il se confirme que Michelle Obama décline effectivement, en mode jazzy, le vestiaire de Jackie Kennedy, que pourrait-il y avoir de scandaleux là-dedans, quand on sait que Jackie Kennedy fut une, sinon l'épouse de président la plus glamour qu'on ait eue à la Maison Blanche, ce qui aurait pu justifier que Obama Michelle se réfère plutôt à ce mentor-là qu'à des spécimens plus âgés ? Le fait est qu'on ne nous dit pas si Dolivo (journaliste de mode, qui doit avoir consulté des archives, du moins le supposé-je.) a raison ou tort. On se contente de hurler au scandale. Or les cris d'orfraie n'ont jamais constitué quelque preuve que ce soit de ce qu'on avance !

08. 08bis. « ... intégré tous les codes blancs » (sic)..., casser le classicisme blanc avec « un boubou, un collier en coquillage ou… une créole de rappeur ». 

Ah le scandale que voilà ! Bien évidemment, ça se discute. Mais bon, la réponse à la question n'est-elle pas dans la phrase suivante, qui évoque les quatre siècles sur le continent nord-américain, après une déportation organisée par les Européens, le tout moyennant un lavage de cerveau unique dans l'histoire du colonialisme, les Africains déportés s'étant vus contraints d'oublier toute leur culture d'origine : langues, religions, traditions culinaires et vestimentaires, musique, etc. ? Comment expliquer, sinon, les différences culturelles visibles chez des populations africaines également déportées vers les Amériques, compte tenu de l'étroitesse (ou de l'amplitude) de leurs rapports avec l'homme blanc, pour ne citer que les exemples des Nord-américains, des Brésiliens ou des Haïtiens (cf. la capoeira, le canbomblé, le vaudou) ? Le fait est là : moins le poids du Blanc est prégnant dans la vie des Noirs et plus ces derniers vont être enclins à préserver leurs traditions ; voyez les Neg'marrons en Guyane et au Surinam, protégés par l'épaisse forêt tropicale de la dé-culturation.


09. Et en quoi  la « communauté noire » est-elle une entité homogène et moutonnière ? 

Ça c'est une bonne question. Mais qui a dit que la communauté noire était homogène et moutonnière ? Et pourquoi ne serait-elle pas homogène sans être moutonnière, ou moutonnière sans être homogène, dès lors que les modèles de référence ne sont pas homogènes non plus ? Et quand on relit Dolivo "dans le texte", elle dit bien que c'est la "blackgeoisie" qui a intégré les codes blancs ; pas la communauté noire dans son ensemble. D'où l'importance de lire ce qu'un auteur a effectivement écrit !

10.  Les luttes menées par les Noirs, pour le respect de leurs droits fondamentaux, tradition du vêtement comme vecteur de leur dignité. 

Là c'est une référence à un papier du journaliste de mode John Caramanica. Franchement, je ne vois pas en quoi la pensée de Caramanica a été contrefaite ici, s'agissant d'une prise de conscience politique se manifestant via l'allure vestimentaire.

11. Article imbécile et raciste...

Je n'ai pas très bien vu en quoi il était raciste, l'imbécilité (du latin "imbecillitas") étant synonyme de "faiblesse", ce qui se discute.

On peut constater qu'Audrey Pulvar - comme elle le reconnaît elle-même - n'a pas lu tout le papier de Nathalie Dolivo, notamment la toute fin, avec deux encadrés assez courts, certes, mais richement illustrés par des images de filles qui ont, toutes, la particularité d'afficher un look afro particulièrement éloquent et parfaitement assumé. Etonnant quand même de la part d'un article taxé de racisme, à moins que le fait de rappeler aux femmes noires la texture de leurs vrais cheveux soit assimilable à du racisme !

Quant au "contentons-nous de réclamer de ce magazine un minimum de respect dû à ses lecteurs et de rigueur de la part de ses  journalistes.", voilà une exigence à laquelle on ne peut que souscrire, en regrettant vivement que Pulvar ne se la soit pas appliquée à elle-même, je veux parler de la rigueur qui sied à tout(e) bon(ne) journaliste !



  • Pétition (lemonde.fr)

12. En 2012, "la ‘black-geoisie' a intégré tous les codes blancs…".  

La phrase avait déjà été épinglée par Audrey Pulvar, que l'on retrouve en bonne place parmi les signataires de la pétition. Question : vrai ou faux ? Pour le savoir, peut-être aurait-il fallu remonter aux sources de la déportation des Africains aux Etats-Unis et à la manière dont ils vont être utilisés par leurs maîtres blancs. Et là, je pense au "house slave", à l'esclave domestique ou "esclave d'intérieur", en clair, l'esclave qui passe du travail (harassant) dans les plantations à un travail bien plus gratifiant comme cuisinier, majordome... Cet(te) esclave-là  se tient au plus près de ses maîtres blancs, même s'il ou elle vit dans une annexe au fond du jardin. Et là, on se doit de donner raison à la journaliste de Elle, même si elle n'a pas abordé la question dans son court article : historiquement et sociologiquement parlant, la future bourgeoisie négro-américaine apparaît dès la période esclavagiste, avec précisément la hiérarchisation installée par les maîtres blancs entre les bagnards qui trimaient dans les plantations, d'une part, et les "house slaves", d'autre part, qui se la "coulaient douce" par rapport aux premiers, à l'abri de confortables et immenses demeures avec vérandas en bois, jardins, buanderies, offices,... le tout parmi les enfants, les pianos et harmoniums, les livres dans des bibliothèques... Le "house slave", c'est l'esclave civilisé, caricature du Blanc, qui va apprendre à lire et à écrire, à jouer du piano et de la trompette, à manger la nourriture du blanc, voire à apprendre à la cuisiner. Et, bien entendu, l'esclave domestique, préfiguration de la future bourgeoisie noire, porte des habits calqués sur ceux de ses maîtres.


      


13. D'ailleurs, "le chic est devenu une option plausible pour une communauté jusque là arrimée à ses codes streetwear." ... Eh oui, tandis que durant des décennies les Noirs se sont habillés comme des "cailleras" à capuche, ils ont enfin compris, grâce à l'enseignement des Blancs.

Ça c'est une extrapolation qui ne figure nulle part dans le papier de Dolivo. On sent là la patte d'Audrey Pulvar !

14. Voilà la teneur d'un article paru le 13 janvier dans l'hebdomadaire préféré des ménagères de la "white-geoisie".

Observons en passant que les pétitionnaires s'en tiennent à une version bien réduite de l'article incriminé ; à croire qu'eux aussi n'ont eu accès qu'à des fragments présentés sous la forme de captures d'écrans !

15. Si les Noirs sont enfin chics, c'est parce qu'ils ont désormais une icône digne de ce nom, Michelle Obama, qui donne le ton en "revisitant en mode jazzy le vestiaire de Jacky O.". 

Nathalie Dolivo n'a pas dit les choses en ces termes,  mais bon... Il faut croire que la référence à Michelle Obama constitue l'épicentre de la contestation et de la levée de boucliers contre l'article incriminé. 

16. N'avez-vous pas remarqué l'os que Halle Berry arbore fièrement dans son nez ? ... Rama Yade aime rappeler ses exotiques "origines" en se drapant dans un pagne léopard avant de prononcer ses discours ?

Extrapolations relevant de la plus parfaite mauvaise foi ; ça va devenir une mauvaise habitude ! Comme preuve que l'article de Dolivo n'était pas si "imbécile" que ça, puisqu'on éprouve le besoin de le contrefaire en le surchargeant, un peu comme cette tendance à "retoucher" des images pour les adapter à notre "vision" des choses : ici, Beyoncé Knowles "retouchée" pour les besoins de l'Oréal !



17. Il serait également temps de se rendre compte que des femmes noires, il y en a aussi en France, qu'elles ne vivent pas toutes aux Etats-Unis et ne sont pas toutes stars de la chanson, du cinéma ou du sport.

Je rappellerai simplement que l'article de Nathalie Dolivo portait sur un fait précis : l'émergence d'une catégorie de fashionistas qui se trouvent être noires et déclenchent une frénésie du côté d'un certain nombre de détenteurs du pouvoir tant du côté de la presse que des créateurs.

18. Et pourquoi toujours comparer à Barack Obama Omar Sy dans le film Intouchables.

Franchement, qu'est-ce qu'Omar Sy vient faire ici ? Où a-t-on vu que Nathalie Dolivo assimilait Omar Sy à Barack Obama ?

19. ... combats des minorités noires en faisant de la moindre starlette bien habillée.

Starlette "bien" habillée ? Est-ce qu'il ne s'agirait pas de starlette habillée tout court, mais différemment ? Il m'avait semblé que c'était ça, le thème de l'article de Elle.

20. Quant aux Noirs qui ne font pas de politique, on se demande s'ils se promènent nus… 

Encore une extrapolation dont on aurait pu se passer ! Il se trouve que les Rihanna, Saldana et autres Minaj ou Knowles ne font pas de politique !

21. Si la directrice de la rédaction y exprime des regrets, elle maintient sa position et persiste en affirmant avoir voulu être "bienveillante" avec les Noirs.

J'avoue que le terme "bienveillance" peut avoir un côté condescendant. Mais pour mieux en apprécier le sens, il suffirait de le rapprocher de son antonyme : "malveillance" !

22. Les Noirs, hommes ou femmes, n'ont pas besoin de bienveillance, mais d'égalité

Égalité : le mot est lâché. Le problème est que Elle est un magazine appartenant à un groupe de presse... privé. Qui plus est, dépendant énormément de ses annonceurs. Question : combien d'annonceurs "noirs" dans le magazine Elle ?

23. Or cette affaire est un révélateur : l'article est le symptôme médiatique d'une exclusion à la fois culturelle et sociale.

Exclusion. Le grand mot ! Là, je pense notamment au marché "africain" de la Goutte d'Or, au métro Château Rouge, avec ces milliers de gens qui viennent ici quotidiennement parce qu'ils ne mangent qu'"africain" ! Par ailleurs, moi qui suis un familier du musée du Quai Branly, on a pu y admirer une fort belle exposition sur le peuple Dogon, et j'avoue n'y avoir croisé aucun(e) Africain(e). Alors, l'exclusion culturelle et sociale, les gens se la fabriquent bien souvent tout seuls !

24. Puisque la tendance est à la "black fashion", pourquoi ne pas y adhérer en recrutant par exemple plus de rédactrices noires ? 

Rédactrices noires ? Mais comment savent-ils qui est noire et qui ne l'est pas au sein de la rédaction de ce magazine ?

25. Une femme noire pour poser sur la couverture du magazine? Juste une fois, pour voir ?

C'est tout ? Et ça ressemble à quoi, une femme noire ? Peau foncée ? Peau  décolorée ? Cheveux crépus ? Cheveux défrisés ?

Par ailleurs, pourquoi la seule alternative à la femme blanche serait-elle la femme noire ? Et les Asiatiques, Arabes, Berbères, Indiennes, Pakistanaises, Sud-Américaines, Chinoises ?

26. Deux millions de femmes noires en France, qui dépensent sept fois plus d'argent dans les cosmétiques que leurs congénères blanches.

Ça c'est presque un scoop. Est-ce que cela veut dire que les femmes noires sont sept fois plus riches que leurs consoeurs blanches ? Voilà une réalité sociologique stupéfiante ! Parce que si, comme on peut le supposer, la moyenne des revenus des femmes noires est sensiblement inférieure aux revenus des Européennes (avec toutes ces femmes au foyer africaines, ou nounous et femmes de ménage payées la moitié voire le tiers d'un SMIC), alors nous aurions là le commencement d'un constat bien navrant, à savoir, par exemple, qu'une femme de ménage africaine est capable de dilapider en cosmétiques bien plus qu'une comptable, pharmacienne voire pilote de ligne. Faut-il s'en réjouir ? 

27. Un marché en expansion pour les produits de beauté et de mode, est-ce si négligeable ? 

Ben, il faut croire que nos pétitionnaires ne sont nullement dérangés par le délire consumériste qui s'est emparé de mères de familles désargentées, majoritairement africaines, délaissant leur nombreuse marmaille dans des appartements surpeuplés, pour s'en aller passer des après-midis entiers dans des salons de coiffure pour y dilapider leurs maigres ressources, voire détourner les allocations familiales normalement dévolues à l'éducation des enfants. Et étonnez-vous que tous ces enfants en déshérence, livrés à eux-mêmes par des parents irresponsables fournissent le gros des délinquants des pays où ils vivent (cf. les forts taux de délinquance des adolescents noirs tant aux États-Unis qu'en France).

28. Ce "racisme structurel" de notre société, dont parle si bien Valérie Toranian sur les plateaux de télévision, est aussi alimenté par l'absence des femmes noires à la Une des titres de presse féminine : en près de 70 ans d'existence, Elle n'a daigné accorder sa couverture qu'à une poignée de femmes noires.

Racisme structurel, structure étant l'antonyme de conjoncture. Mais entre nous, figurer en Une d'un magazine de mode est-il plus important que de trouver du travail, élever correctement ses enfants pour leur assurer le meilleur avenir possible (proportion des Noirs dans les grandes écoles, facs de médecine, etc., et dans les lycées professionnels, ces voies de garage pour élèves en perdition ?).

En conclusion : je dois dire que tous ces polémistes qui sont tombés à bras raccourcis sur Nathalie Dolivo n'apportent strictement rien au débat, se contentant d'incantations et d'invectives, l'insulte et le dénigrement désobligeant (les cons ça ose tout, papier de merde, imbécile et raciste...) n'ayant jamais été des marqueurs de l'intelligence. Et, déformation professionnelle obligeant, si je devais noter l'ensemble que je viens de commenter, j'opterai pour une note inférieure à la moyenne ; disons 8 sur 20




P.S.


1. Des femmes noires à la une de ELLE ? Mais des femmes noires comment ? Étant donnée l'obnubilation de beaucoup d'entre elles pour les prothèses capillaires, on peut se demander si un magazine devrait opter pour la fille (ci-dessous) de gauche ou plutôt pour celle de droite ?




En ce qui me concerne, vous avouerai-je que je trouve Rokhaya Diallo bien plus sexy (Hou la la, le vilain mot que voilà, qui devrait me valoir le peloton d'exécution de la part de plein de grognasses du féminisme intégriste, mais je m'en fous, j'assume !) avec sa coupe afro qu'avec ces horribles cheveux en plastique qui ont rendu beaucoup d'Africaines complètement folles, à croire que beaucoup d'entre elles n'ont aucune idée de la texture réelle de cheveux naturellement lisses !

2. Des femmes "noires" à la Une de Elle ? Bof ! Pour ma part, je dois vous avouer que, de toutes les filles susceptibles de me faire acheter un magazine, les plus sexy - hormis Rokhaya Diallo en coiffure afro - ce sont encore les sportives. Du coup, on s'étonne que la presse féminine française snobe nos plus grandes - et belles - athlètes pour leur préférer des créatures anorexiques, longues et plates, sans le moindre sex appeal ! En revanche, quoi de plus sexy qu'une belle sangle abdominale, avec des abdos bien saillants ! Au hasard : Isinbayeva, Hurtis, Arron... Mais il y a aussi quelques nageuses, joueuses de tennis, etc...



 

  
  





















































N. B.  Ci-dessus, on aura reconnu, entre autres : Federica Pellegrini, que je verrais bien faire du cinéma ; Serena Williams, quand elle était encore mince (2008), car, depuis, les fesses ont doublé de volume !; la petite amie de Iker Casillas, gardien de but au Real Madrid, Yelena Isinbayeva, Christine Arron et Muriel Hurtis (ah, les abdos ! J'ai presque les mêmes, encore quelques efforts et je pourrai rivaliser avec Cristiano Ronaldo !), Marie-José Perec (une des toutes toutes premières à avoir lancé la mode des abdos à l'air), Myriam Soumaré, Laura Flessel, Ming Xia Fu s'élevant dans le ciel de Barcelone (1992),  sans oublier la mythique (dont le retrait sportif et le mariage ont dû causer quelques dépressions chez les Allemands) Franziska Van Almsick, la nageuse qui introduisit le glamour (et les tatouages ; voyez Manaudou) dans les bassins, et qui a mis fin à l'ère de ses compatriotes est-allemandes au look d'armoires à glace.  Et comme un indice des fantasmes que cette fille générait parmi la gent masculine teutonne, il y a ce mot qui lui fut attribué par la Bild Zeitung : "Ich brauche Sex wie Brot und Wasser!", que je me garderais bien de vous traduire !


 


Question : à quand de vraies femmes - la couleur de la peau m'importe peu - à la Une des magazines féminins français, comme cela se passe ailleurs, au lieu de ces asperges anorexiques, longues, plates et si peu sexy, qui ressemblent à tout sauf à des femmes ?



3. Deux millions de femmes noires en France, qui dépensent sept fois plus d'argent dans les cosmétiques que leurs congénères blanches...




(…) Ce qu'Isabelle sait de cette école, c'est d'abord ce qu'elle en voit de sa fenêtre : "Des gamins arrivent en pyjama, le ventre vide. Ils habitent dans des squats sans eau. C'est un autre monde. Les petits se débrouillent, entrent et sortent de l'école, sans adultes pour les accompagner." Sur le carrefour qui fait face à l'école, il y a aussi le trafic de drogue… (Libération, 12 avril 2002).

(…) C'est en faisant prendre conscience du coût de la scolarité qu'on revalorisera le savoir. et c'est malheureusement en menaçant les parents de ne plus toucher les allocations ou d'avoir à payer des amendes qu'on provoquera une prise de conscience (Le désarroi de la directrice d'un collège de Sarcelles, Le Figaro, 5 novembre 2002).


4. Lu dans la presse : "(…) Les noirs américains se déclarent africains américains. Ils ne veulent pas entendre parler de la créolisation. Mais tout en revendiquant, ce sont eux qui inventent tous les produits de défrisage des cheveux. La race noire est la seule qui conteste, de manière quasi absolue, la nature de ses cheveux. Sur cent femmes noires, il y en a quatre-vingt-dix-neuf qui sont défrisées. Donc, le cheveu crépu n'a pas trouvé d'acceptation par la race noire elle-même. Ce sont les noirs américains qui inventent les produits pour s'éclaircir la peau. Lorsqu'on voit un film de noir américain, on s'aperçoit que les femmes sont dix fois plus claires que les hommes et on se demande par quel mystère il y a des processus de blanchiment… On est dans un processus d'aliénation et de soumission au blanchiment du monde."[1] 


[1]  Patrick Chamoiseau, in Citéblack, Paris, 14 février 2005, p. 13.

5. Lu dans la presse.



Citéblack, n° 51, 25 avril 2005, p. 16


Prochain épisode : racisme subliminal et inconscient


Liens : 01  -  02  -  03  



Elle et le Black Fashion Power (2/10) Retour sur une polémique



Face au tohu-bohu, le magazine Elle, non sans un certain courage, a fait face, allant même jusqu'à ouvrir ses forums à ses principaux détracteurs. J'ai donc retenu deux contributions à la polémique : les représentants d'un collectif anti-négrophobie et l'ex-miss France Sonia Rolland. Il y est beaucoup question d'inconscient, de codes invisibles, etc. D'où le titre.



Racisme subliminal et inconscient

En marge des protestations visant le magazine Elle à propos d'un article sur le "Black Fashion Power", on a vu poindre des pétitions, relayées par l'Internet (lemonde.fr), le magazine faisant front, voire ouvrant ses colonnes aux contestataires. J'ai retenu la participation de représentants d'un "collectif anti-négrophobie" ainsi qu'une prise de position de l'ex-miss Sonia Rolland. Même procédé : les numéros entre parenthèses renvoient à une série de commentaires de ma part.


Franco Lollia : Le collectif Anti Négrophobie a été créé par certains de ceux qui étaient à l’origine de l’association Alliance Noire Citoyenne. Tous deux luttent contre la négrophobie et le racisme en général. Le collectif fédère des groupes, des personnes et des associations. Alliance Noire Citoyenne est une entité en tant que telle. L’article qui a été publié dans ELLE avait pour nous une connotation négrophobe (01). C’est la raison de notre venue aujourd’hui.

MFC : Vous nous avez dit que cet article relevait du racisme inconscient (02). Qu’est-ce que ce « racisme inconscient » dit de l’état de la société française ?

Franco Lollia : Notre but n’est pas de s’attaquer à la forme, mais au fond du problème. Nous ne voulons pas personnifier ce racisme, ni désigner, même si elle est l’auteur de cet article,  Nathalie Dolivo comme responsable. Il ne suffirait pas de la faire disparaître du champ médiatique pour que le racisme disparaisse. Le problème de fond réside dans le fait que cet article réactive les codes invisibles structurels du racisme (03) et, dans ce cas précis, de la négrophobie. Cet article devrait être utilisé comme cas d’école : en apparence on ne détecte pas de négrophobie, mais quand on le décrypte (03bis),  il peut permettre à chacun de comprendre comment, à son insu (02bis), on véhicule des codes racistes attentatoires aux personnes issues de la communauté noire.

(...) Parce que c’est un racisme invisible dont on n’a pas conscience (03quater), cela le rend encore plus dangereux. On a parfaitement conscience que l’article avait l’intention de promouvoir positivement l’image des noirs (04). Et quand on décode de manière précise la thématique qu’il aborde, on se rend compte que, finalement, il produit un racisme qu’il voulait combattre (05).  Ce sont les mécanismes qui amènent cette forme de racisme qu’il faut combattre. Votre directrice de la rédaction, avec laquelle on a parlé, nous a dit que, dorénavant, vous feriez attention à ne plus utiliser certains termes (05ter).  Le problème n’est pas simplement de faire attention, c’est de voir comment on peut changer les mentalités et modifier les mécanismes qui amènent à ce racisme-là.

CLS : Quels sont ces mécanismes qui conduisent au racisme « inconscient » ?

Franco Lollia : Ils sont dans le système éducatif, médiatique aussi. Tous ces systèmes utilisent les mêmes codes. Parlons de la question des noirs, dont on parle dans l’article. (06). Si vous regardez les manuels d’histoire (06bis),  vous ne voyez jamais les noirs en position de résistance. Pendant très longtemps les noirs ont été absents du cinéma et de la télévision français. Ce n’est pas le cas  aux États-Unis, où ils étaient représentés, mais négativement. Les noirs sont aujourd’hui un minimum représentés, mais cantonnés à des rôles de subalternes ou de simples éléments de décor. Ils sont dénaturés, dénigrés (06ter). D’ailleurs, la racine du mot dénigrer vient de nègre. Il faut le savoir. L’école conditionne aussi les gens à rester dans les mêmes conditions sociales (06quater). Cette manière de représenter les minorités visibles conditionne les gens à admettre l’infériorité de certaines races (06quinter) et la supériorité d’autres. C’est cela qui a été véhiculé dans cet article – inconsciemment (02ter), nous en sommes certains (05bis). Et c’est cela qu’on doit combattre.

MFC : Là, vous-même faites appel à des stéréotypes qui qualifient les uns et les autres. Avant il y avait « Y’a bon Banania ». Pensez-vous qu’aujourd’hui sont apparus de nouveaux clichés, de nouvelles caricatures dont on ne se méfie pas assez et qu’on véhicule?

Franco Lollia : Un exemple concret : il y a, depuis de longues années,  dans le 5ème arrondissement de Paris, une affiche qui représente un homme noir avec le slogan « au nègre joyeux » (07), au vu et au su de tout de tout le monde. Ce qui est nouveau c’est que – bien que le racisme soit aujourd’hui une chose totalement condamnable , cette affiche trône toujours et cela ne semble déranger personne ! Le maire du 5ème qu’on a rencontré, attend la décision du ministère de la Culture pour la décrocher. Quant aux stéréotypes nouveaux, l’article de ELLE en est un exemple, dans la manière très moderne, et inconsciente (02quater),  dont il promeut le racisme. Avec notamment l’emploi du terme « codes blancs » (08). Au final, cela dénature l’homme (08bis) et la femme noirs.

Sophie Fadiga : Particulièrement dans cet article, on voit un stéréotype qui date de ces vingt dernières années : il y est dit que « la communauté noire est arrimée aux codes du streetwear ». On est noir, on est donc censé soit faire du rap, soit faire du sport ! Ces stéréotypes nouveaux continuent d’être véhiculés. Le racisme institutionnel est à la base de ce type de clichés qu’il faut combattre. C’est la racine même du mal. (09)

MFC : Comment faites-vous pour lutter contre ces nouveaux stéréotypes ? Parce que les anciens, comme cette affiche du « Nègre Joyeux », on voit tout de suite que c’en est un (10).

Franco Lollia : Malheureusement, pas toujours, puisque les gens passent devant l’affiche sans voir le problème ! (11)   Concernant les nouveaux stéréotypes, nous tentons de les montrer. Le noir qui a résisté à l’esclavagisme et à la colonisation a toujours existé. Ce sont les livres d’histoire qui l’ont effacé. Nous, nous essayons d’écrire au présent l’histoire de cette résistance, on poursuit ce combat et cette lutte fait partie de notre héritage. Nous voulons montrer l’homme et la femme noirs dans une posture différente de celle dans laquelle les médias – mais aussi l’éducation nationale française –  ont l’habitude de les représenter. Il faut savoir que nos enfants s’identifient aux images qu’ils voient à la télé et dans les médias (12). Dans ce sens, ELLE a un grand rôle à jouer (13). Je peux vous dire que nombre de filles construisent leur identité par rapport à vos couvertures (13bis), qui, d’ailleurs ne mettent en Une que très exceptionnellement des femmes noires (13ter). Le but n’est pas de favoriser les uns ou les autres. Mais essayez d’imaginer l’impact que cela aurait sur vous s’il n’y avait que des noirs en couverture des magazines ! Nous sommes une société multiculturelle (14). Et vous devriez refléter cela, avoir conscience de l’autre (14bis). Nous avons parlé ensemble, il y a eu des excuses officielles, c’est très positif, au-delà des mots, il faut que les actes démontrent qu’effectivement il y a volonté de réparer.

CLS : N’y a-t-il pas aussi du travail à faire dans les diverses communautés noires, notamment parmi les jeunes générations où les clivages et stéréotypes sont aussi intégrés ?

Sophie Fadiga : On intègre les stéréotypes que la communauté majoritaire tend à nous faire intégrer, et du coup, effectivement, on les reproduit et on les alimente (12bis).

Franco Lollia : Notre volonté n’a jamais été de sous-entendre qu’on devait éduquer la « communauté » blanche, si tant est qu’on doive l’appeler ainsi. Mais nous sommes conscients du caractère vicieux du système éducatif, de l’aliénation qu’il produit. On intègre nous-même ces codes (15).  C’est pour cela que vous verrez des noirs qui ne réagissent même pas à ce racisme inconscient (2quinter) et qui disent « mais non, il n’y a rien de raciste ». C’est pour ça que cet article est intéressant, parce qu’on doit apprendre à lire entre les lignes.


Suite à la polémique autour de l’article de ELLE, interview de Sonia Rolland, actrice et miss France 2000.

ELLE. Vous êtes signataire de l'appel mettant en cause l’article sur les égéries noires aux USA. Pourquoi une telle virulence ?

Sonia Rolland. Il faudrait que les lectrices se procurent l’article en question datant du 13 janvier. En analysant chacune des phrases que nous contestons dans la tribune que lemonde.fr nous a offerte, elles comprendront mieux notre stupéfaction 
(16). Notre réponse à ELLE n’est pas virulente, comme vous le laissez entendre, mais avec une pointe d’humour (17), car nous en avons encore malgré tout.

Le magazine ELLE est un hebdomadaire respectable qui défend l’image de la femme depuis 1945 et soulève de vrais sujets de société. Mais de quelles femmes s’agit-il aujourd’hui ?

Un article est le résultat d’une réflexion collective devant faire l’objet d’une recherche journalistique approfondie. Je m’étonne donc que la rédaction ait pu valider un tel papier ! (18) Le ton et le contenu général de cet article m’ont profondément heurtée. Il y a des propos sans fondement (19), stéréotypés, stigmatisants, condescendants voire méprisants (20), comme cela a été beaucoup commenté par ailleurs.

Il faut distinguer l’article, du magazine. Lorsque j’évoque plus haut la réflexion collective d’un magazine, j’ose croire bien évidemment que le journal ELLE n’est pas raciste. Cependant, n’est-il pas légitime de s’interroger quant à la teneur du propos ?

Il ne s’agit pas de dire que le magazine est raciste, mais sa méconnaissance du monde noir (21) aboutit à la reproduction de stéréotypes qui peuvent relever du racisme. Dans la mesure où l’article s’appuie sur des références sérieuses ; « le combat des droits civiques », le « Black Power »,  « Angela Davis », ne mérite-t-il pas une plus grande réflexion ? Pourquoi aborder ces sujets avec une telle légèreté ? (22) L’article réduit les acquis des luttes des noirs à une apparence vestimentaire revendiquée comme une « arme politique ». Ce n’est pas sérieux ! (23)

En revanche, ce débat me rappelle une époque où ma mère envoyait son CV sans photo. Je pensais qu’elle avait honte. La réalité était tout autre, elle cherchait tout simplement à avoir du travail, mais elle avait conscience que sa couleur de peau était un obstacle… sans parler de celles et ceux qui changent leurs noms… C’est encore, malheureusement le quotidien de nombreuses personnes aujourd’hui. Et comment ne pas faire le lien avec l’absence quasi-totale de femmes noires sur vos couvertures ?

ELLE. Cette polémique illustre-t-elle selon vous un phénomène plus large qui touche l’ensemble de la société ?

Sonia Rolland. Cette question intéressante mérite d’être traitée en profondeur… Aimé Césaire disait : « Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente »… qu’en est-il de la nôtre ? Là où tant ont fait pour faire avancer les mentalités, nous en sommes encore réduits à réagir à des propos qui ne devraient plus exister (24) dans une société comme la nôtre.

Ma mère et ma grand-mère, issues de cultures différentes, m’ont enseigné le combat contre le renoncement, je n’ai donc pas peur de participer au monde... Le racisme ordinaire des uns naît et prospère du silence des autres.

Ensemble nous pouvons réformer la société (25) en apportant une réflexion qui, à terme, peut la modifier. La protestation collective contre l’article en question (26) est la parfaite illustration d’une société multiculturelle en éveil qui bouge et s’exprime. J’en fais partie, et je mesure la chance que j’ai de pouvoir m’exprimer publiquement, ce que beaucoup n’ont pas. J’espère en tout cas que tout cela ne restera pas anecdotique.

ELLE. Que faudrait-il faire selon vous pour améliorer les choses ?

Sonia Rolland. ELLE a ouvert la boite de Pandore, le magazine détient tous les moyens nécessaires à l’élaboration de sujets divers et variés qui évoquent la femme noire, en harmonie avec notre époque et tout ce qui fait notre société. Je peux comprendre qu’il y ait une fascination pour l’Amérique, mais il serait quand même temps de mettre en avant les acteurs de la diversité française. Lorsque nous vous suggérons de mettre une femme noire en couverture (27), ça n’est pas une faveur qu’on vous demande, mais c’est une façon de vous dire que vous ne vous adressez pas à toutes les femmes. J’ai été longtemps abonnée à ELLE pour ses sujets de société, ses dossiers etc, mais très sincèrement, pour le reste, je ne m’y reconnaissais pas (28). Il est nécessaire de s’ouvrir. Faisons tomber les cloisons… allons à la découverte de l’autre.

La question de la femme noire est un sujet aussi vaste que le sujet de la femme tout court… (29) ELLE sait désormais que la femme noire EXISTE.


Des commentaires ?

01. L'article avait pour nous une connotation négrophobe. 

La suite va montrer que les choses ne sont pas aussi limpides.

02. Racisme inconscient (...), à son insu (02bis)... C’est cela qui a été véhiculé dans cet article – inconsciemment (02ter), nous en sommes certains. Et c’est cela qu’on doit combattre. (...) Quant aux stéréotypes nouveaux, l’article de Elle en est un exemple, dans la manière très moderne, et inconsciente (02quater). (...) C’est pour cela que vous verrez des noirs qui ne réagissent même pas à ce racisme inconscient (2quinter).

Voilà des gens qui n'ont que fort imparfaitement lu la prose de Freud, lequel, il est vrai, mettait l'inconscient à toutes les sauces ! Nous serions, donc, en présence d'une "double inconscience", à ne pas confondre avec la "double inconstance" (Marivaux). Celui qui exprime du racisme en est inconscient, mais la cible de ce même racisme en serait souvent inconsciente elle-même. Et là, on s'interroge : "il est où le problème si personne n'a conscience de rien ?".

Le problème est que j'ai trouvé nos polémistes bien sûrs d'eux, lorsqu'ils s'estiment - c'est, du reste, le propre des adeptes de la secte freudienne ! - capables de déceler, avec certitude, des phénomènes dont ils affirment que l'Autre les génère inconsciemment. Seulement voilà : où est la responsabilité, voire la faute, si tout ça n'est pas conscient, donc pas volontaire, et surtout si, comme on nous le suggère, la cible (les Noirs) n'est pas consciente du racisme qui la vise ?

En tout cas, il faut bien noter la volonté d'édulcorer, voire d'évacuer toute intention malveillante de l'article incriminé, en n'y voyant qu'un processus "inconscient", donc non intentionnel ! 

Là où les choses se corsent c'est quand, outre l'intervention de l'inconscient, se manifestent des dispositifs invisibles.

03. Cet article réactive les codes invisibles structurels (???) du racisme (...). En apparence on ne détecte pas de négrophobie (non mais sans blague !), mais quand on le décrypte (03bis)... Racisme invisible dont on n’a pas conscience (03quater).

Question : c'est invisible parce qu'inconscient, ou inconscient parce qu'invisible ? Cela dit, on aurait aimé que les "décrypteurs" nous fournissent - à l'instar de ce que font les freudiens avec l'interprétation des rêves - les codes du décryptage.

04. On a parfaitement conscience que l’article avait l’intention de promouvoir positivement l’image des noirs.

Ça, c'est la meilleure : le délit d'intention... positive ! Enfin, si l'intention était positive, le résultat est tout autre...

05. Finalement, il produit un racisme qu’il voulait combattreC’est cela qui a été véhiculé dans cet article – inconsciemment, nous en sommes certains (05bis).

Admirable ! L'autre est inconscient(e), mais nous, en revanche, nous sommes parfaitement conscient(e)s de la chose..., croix de bois, croix de fer !

Tout avait pourtant si bien commencé ! Mais il y autre chose : nos polémistes ne savent-ils donc pas que dans le droit de toutes les nations dites "civilisées", il y a de profondes nuances entre, par exemple à une extrémité, les coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner et, à l'autre extrémité, le meurtre avec prémédiation, l'assassinat ? En clair, ont-ils réellement pris la mesure du poids de l'intentionnalité dans la genèse de toute faute ?

05ter. Vous feriez attention à ne plus utiliser certains termes.  

Regrettons ici que cette personne n'ait pas été mise en demeure de citer les fameux "termes" en question pour étayer son argumentation. Parce que la suite est un peu tirée par les cheveux.

06. [Les mécanismes qui conduisent à ce racisme inconscient] sont... dans le système éducatif, médiatique aussi. Tous ces systèmes utilisent les mêmes codes. Parlons de la question des noirs, dont on parle dans l’article. Si vous regardez les manuels d’histoire (06bis),  vous ne voyez jamais les noirs en position de résistance. (...) Les noirs sont aujourd’hui un minimum représentés, mais cantonnés à des rôles de subalternes ou de simples éléments de décor. Ils sont dénaturés, dénigrés (06ter). D’ailleurs, la racine du mot dénigrer vient de nègre. Il faut le savoir. L’école conditionne aussi les gens à rester dans les mêmes conditions sociales (06quater). Cette manière de représenter les minorités visibles conditionne les gens à admettre l’infériorité de certaines races (06quinter) et la supériorité d’autres. 

Tout et n'importe quoi ! Et là, on cherche une cohérence dans ce fatras : ça commence par "la question des Noirs dont parle l'article". Mais quelle question ? Puis l'on embraye sur les manuels d'histoire, le cantonnement des Noirs à des rôles subalternes au cinéma et à la télévision, l'école, laquelle conditionnerait les gens à rester dans les mêmes conditions sociales, et là, on se dit : "Ah bon ?". Puis on élargit le débat aux minorités visibles, sans qu'on sache lesquelles, minorités dont la représentation conditionnerait les gens à admettre l'infériorité de certaines races. Entre temps, nous avons eu droit à un rappel étymologique concernant l'origine du verbe "dénigrer".

Question : quel rapport ce flot de banalités et d'approximations a-t-il à voir avec l'article de Nathalie Dolivo sur les nouvelles égéries noires de la mode ? Mais la suite ne manque pas de sel non plus !

07. La question portait sur (...) de nouveaux clichés, de nouvelles caricatures dont on ne se méfie pas assez et qu’on véhicule. Et là, la réponse montre bien l'espèce d'embrouillamini des idées qui a prévalu à la conception de cette campagne anti-Dolivo.

(...) Un exemple concret : il y a, depuis de longues années,  dans le 5ème arrondissement de Paris, une affiche qui représente un homme noir avec le slogan « au nègre joyeux », au vu et au su de tout de tout le monde. 

Question : en quoi cette ancienne réclame datant du siècle dernier et vantant la bonne humeur d'un nègre (cf. la Revue nègre, les Arts nègres, etc.) est-elle symptomatique de l'émergence de nouveaux clichés et stéréotypes ?

08. Quant aux stéréotypes nouveaux, l’article de ELLE en est un exemple, dans la manière très moderne, et inconsciente,  dont il promeut le racisme. Avec notamment l’emploi du terme « codes blancs ». Au final, cela dénature l’homme (08bis) et la femme noirs.

Manière très moderne et inconsciente de promouvoir le racisme... Bon, comprenne qui pourra. Et il y a le terme, ou plutôt l'expression "codes blancs", qui dénaturerait l'homme et la femme noirs.

Là, on nous parle de promotion du racisme, c'est-à-dire d'une disposition qu'on imagine mal inconsciente, consistant à faire passer le racisme d'un niveau N à un niveau N+1, N+2. Je rappelle qu'on nous avait annoncé que le papier était, à l'origine, pétri de bonnes intentions à l'égard des Noirs, qu'il n'agresserait que de manière inconsciente. Or je doute fortement que la promotion soit un phénomène inconscient. Mais peut-être va-t-on nous expliquer que la journaliste incriminée produit un discours automatique, comme celui du somnambule ou de celui qui parle durant son sommeil ou en plein délire ! 

09. Force est donc d'admettre que c'est inconsciemment qu'il est dit que « la communauté noire est arrimée aux codes du streetwear ». On est noir, on est donc censé soit faire du rap, soit faire du sport ! Ces stéréotypes nouveaux continuent d’être véhiculés. Le racisme institutionnel est à la base de ce type de clichés qu’il faut combattre. C’est la racine même du mal. 

Outre le fait que je ne voie pas le rapport entre streetwear d'une part, et rap et sport, d'autre part, j'avoue renoncer à chercher à comprendre une phrase comme "le racisme institionnel est à la base de ce type de clichés...".

10. La question : "comment faites-vous pour lutter contre ces nouveaux stéréotypes ? Parce que les anciens, comme cette affiche du « Nègre Joyeux », on voit tout de suite que c’en est un" vient opportunément rappeler à l'interviewé qu'il n'a pas éclairci son propos concernant les "nouveaux stéréotypes". De nouveau, on a droit au renvoi à l'inconscient voire au subliminal.

11. Malheureusement, pas toujours, puisque les gens passent devant l’affiche sans voir le problème ! 

Peut-être parce que les gens voient bien qu'il n'y a pas de problème, s'agissant d'une vieille affiche publicitaire, ou que le problème est ailleurs. En tout cas, ce faux débat nous donne une idée du "niveau" où se situe la polémique !   

12. Il faut savoir que nos enfants s’identifient aux images qu’ils voient à la télé et dans les médias. (12bis) On intègre les stéréotypes que la communauté majoritaire tend à nous faire intégrer, et du coup, effectivement, on les reproduit et on les alimente.

Question : pourquoi limiter les effets du conditionnement aux seuls enfants ? Comme s'ils étaient les seuls à accéder à la télévision et aux médias ! Et pourquoi considérer d'emblée que les stéréotypes sont toujours d'origine exogène (cf. la communauté majoritaire, concept flou...) ? Là, on nous fait le coup de l'auto-exonération de toute responsabilité. Est-ce, par exemple, l'influence de la communauté majoritaire qui explique que des femmes africaines vivant en Europe depuis des lustres, à la fois se refusent à toute nourriture autre qu'africaine, tout en renonçant, par ailleurs, à leur chevelure naturelle pour opter pour une chevelure imitant, même de loin, celle des européennes ? Vous admettrez que, si c'était vraiment le cas, ladite communauté majoritaire serait pour le moins contradictoire !

13. Dans ce sens, Elle a un grand rôle à jouer (13bis) Je peux vous dire que nombre de filles construisent leur identité par rapport à vos couvertures, qui, d’ailleurs ne mettent en Une que très exceptionnellement des femmes noires (13ter).

Vous avez compris ? Que le rôle moteur éventuel du magazine Elle se bornait à soigner ses affichages en Une du journal ? Vous avez compris que nos polémistes ne lisent du magazine que la seule couverture ? Je suis mort de rire !

14. Nous sommes une société multiculturelle. (14bis) Et vous devriez refléter cela, avoir conscience de l’autre.

Ça, ça ne mange pas de pain, mais je trouve que c'est un peu trop vague !

15. Mais nous sommes conscients du caractère vicieux du système éducatif, de l’aliénation qu’il produit. On intègre nous-même ces codes.

Ah bon ? Nathalie Dolivo (cf. 08) n'avait donc pas tort d'affirmer que "(...) en 2012, la blackgeoisie a intégré tous les codes blancs..."

Question : tout ça pour ça !?

16. Il faudrait que les lectrices se procurent l’article en question datant du 13 janvier. En analysant chacune des phrases que nous contestons dans la tribune que lemonde.fr nous a offerte, elles comprendront mieux notre stupéfaction.

Voilà un conseil qu'il aurait fallu adresser à Audrey Pulvar : se procurer l'article en question, en analysant chacune des phrases..., au lieu de balancer des anathèmes à partir de simples fragments piqués sur des captures d'écran !

17. Notre réponse (…) n’est pas virulente, comme vous le laissez entendre, mais avec une pointe d’humour, car nous en avons encore malgré tout.

Ben qu'est-ce que ça aurait été si la réponse avait été virulente ! Volonté de Rolland d'atténuer la polémique lancée par Pulvar ?

18. Un article est le résultat d’une réflexion collective devant faire l’objet d’une recherche journalistique approfondie. Je m’étonne donc que la rédaction ait pu valider un tel papier ! 

Validation du papier par la rédaction ? Sonia Rolland a-t-elle simplement pensé que la rédaction en question pouvait ne pas partager son avis ?

19. Il y a des propos sans fondement. 

Affirmer est une chose, démontrer en est une autre.


20. (Des propos) stéréotypés, stigmatisants, condescendants voire méprisants. 
Là, c'est pas pareil ! Est-ce que dire qu'avec un peu moins d'un quart de la population du pays, les Afro-américains représentent pas loin des deux-tiers des pensionnaires des prisons américaines est un propos : 1) sans fondement ? 2) stéréotypé ? 3) stigmatisant ? 4) condescendant ? 5) méprisant ? 

21. Il ne s’agit pas de dire que le magazine est raciste, mais sa méconnaissance du monde noir aboutit à la reproduction de stéréotypes qui peuvent relever du racisme. 

Pour sa part, Pulvar était catégorique : papier imbécile et raciste. Il est vrai qu'elle n'a pas incriminé le magazine dans son ensemble. Je retiens quand même l'hésitation : "stéréotypes qui peuvent relever de...". Au fait, ils consistent en quoi, ces stéréotypes ?

22. Dans la mesure où l’article s’appuie sur des références sérieuses ; « le combat des droits civiques », le « Black Power »,  « Angela Davis », ne mérite-t-il pas une plus grande réflexion ? Pourquoi aborder ces sujets avec une telle légèreté.

De la légèreté ? Dans un magazine de mode ? Voilà Elle élevé à la dignité de traité de sociologie politique ! Il me semble qu'on sort du sujet, qui n'est pas Angela Davis, laquelle n'a été citée que "par la bande", mais bien l'émergence d'une escouade de jeunes filles qui s'habillent d'une manière jugée détonnante. Et il suffit de regarder les photos pour juger de la légèreté du propos. 


23. L’article réduit les acquis des luttes des noirs à une apparence vestimentaire revendiquée comme une « arme politique ». Ce n’est pas sérieux !

Faux débat relevant du procès d'intention.

24. Nous en sommes encore réduits à  réagir à des propos qui ne devraient plus exister dans une société comme la nôtre.

C'est précisément le propre du procès d'intention, qui consiste à voir le mal partout.


25. Ensemble nous pouvons réformer la société en apportant une réflexion qui, à terme, peut la modifier.

Réformer la société ! Quelle prétention, quelle outrecuidance ! Alors même que L'Oréal se permet de "retoucher" une de ses rares égéries (un peu) noire, histoire de la blanchir un peu plus, sans que personne ne s'en émeuve !?

26. La protestation collective contre l’article en question est la parfaite illustration d’une société multiculturelle en  éveil qui bouge et s’exprime. J’espère en tout cas que tout cela ne restera pas anecdotique.

Ah, le beau poncif que voilà : multiculturel ! Question à cette chère Sonia Rolland : lorqu'elle se rend au Rwanda, dans quelle langue communique-t-elle donc avec sa lointaine famille vivant au fin fond de la campagne ?

Moi qui ai été professeur particulier chez à peu près tout le monde - je veux dire des familles de toutes origines - je puis attester que c'est dans les familles africaines que la pratique de la langue maternelle est la plus défaillante. Et quand je demande à de petit(e)s Africain(e)s : c'est quoi votre langue maternelle ? Ils me regardent avec des yeux tout ronds. Rien de tel chez les Asiatiques, Hispanisants, Slaves, Turcs, Portugais : trouvez-moi un(e) adolescent(e) chinois(e), né(e) en France, et qui ne parle ni n'écrive le chinois, vous aurez le plus grand mal ! Alors, cette histoire de "société multiculturelle", dans la bouche d'estropiés de leur propre culture, ça me fait doucement rigoler !

27. Lorsque nous vous suggérons de mettre une femme noire en couverture, ça n’est pas une faveur qu’on vous demande, mais c’est une façon de vous dire que vous ne vous adressez pas à toutes les femmes.

Cette obsession de vouloir faire figurer des femmes noires en Une de Elle, je l'ai déjà évoquée ailleurs. C'est à se demander si nos polémistes ne limitent pas la lecture de ce magazine à la seule contemplation de sa Une !

28. J’ai été longtemps abonnée à Elle pour ses sujets de société, ses dossiers etc, mais très sincèrement, pour le reste, je ne m’y reconnaissais pas.

Et alors, il est où le scoop ? Et pourquoi ce magazine devait-il être, à lui seul, la quintessence de toute la presse féminine ? Il m'avait pourtant semblé que l'offre était plutôt pléthorique en matière de presse féminine. La preuve ?



Comme preuve qu'il m'arrive de consommer de la presse féminine ! Ce qui précède n'est empreint d'aucune légèreté, bien sûr ! (Vie pratique - Madame, avril 2010)


29. La question de la femme noire est un sujet aussi vaste que le sujet de la femme tout court… Elle sait désormais que la femme noire EXISTE.

Et la femme chinoise ? Et la femme indienne ? Et la femme japonaise ? Et la femme inuit ?


Si je devais accorder une note aux prestations du collectif anti-négrophobie et de Sonia Rolland ? Ce serait 6/20 pour le premier, dont je n'ai pas du tout apprécié le discours brumeux et abscons, et 12/20 pour la seconde, à laquelle on pourrait reprocher d'être juge et partie. En effet, des femmes noires à la Une de Elle, est-ce que ça ne veut pas dire... Sonia Rolland plus souvent à la Une de Elle ? Remarquez, personnellement, je n'ai rien contre. Surtout en petite tenue !


Prochain épisode : Eppur si muove!


Tiens, dans le genre hystérique et délirant, voyez donc ce qui est arrivé à Mary J. Blige.

Vous avez compris ? Ils doivent trouver, dans la "communauté afro-américaine", qu'il y a trop de stars noires visibles dans les publicités. Du coup, confier à une fille noire, en l'occurrence Mary J. Blige, une pub sur le poulet frit, vous imaginez le scandale ! Burger King est raciste ! Forcément ! Et voilà la pub retirée... Ça ne vous rappelle rien ?