dimanche 25 mars 2012

Elle et le Black Fashion Power (6/10) Retour sur une polémique



Illusions d'optique



Imaginez ma surprise, le jour où j'ai appris que Mariah Carey appartenait à la catégorie "Afro-American" !


Des ancêtres originaires du Venezuela, côté paternel, et malgré le brassage génétique, voilà Maria Carey rangée dans  la communauté noire. Ça alors ! Et quelle plus belle preuve que Maria Carey est bel et bien "black" - hormis cette immense voix (vous connaissez le titre 'My All' ?) qui nous change des mièvreries d'une Béyoncé ! - que la consécration de la Une d'Ebony !



Mais Duke Ellington et Dorothy Daindridge aussi étaient des "coloured". Et c'est là qu'on s'interroge : comment se fait-il que tant de sujets au sang mêlé aient pu naître dans une Amérique vivant sous le coup des lois ségrégationnistes ? Dans quelles conditions, hormis le viol, tant d'enfants métis ont-ils pu venir au monde, et ce, déjà sous l'esclavage ? Parce qu'il faut se rappeler que l'une des raisons les plus souvent invoquées par le K.K.K. pour procéder à des pendaisons de nègres est qu'ils avaient osé toucher à des femmes blanches. Gageons, donc, que sous l'esclavage puis durant la ségrégation, les petits métis nés aux Amériques avaient presque en totalité une mère noire, donc, un père - inconnu - blanc ! Voilà qui va nous rappeler le rejet par Muhammad Ali de son nom "blanc" : Cassius Clay, fruit du viol et du droit de cuissage. Et il ne fut pas le seul !





C'est l'histoire d'une star américaine de la chanson, dont le père est noir et la mère blanche. Une métisse, donc, devenue l'une des égéries de la principale marque de cosmétiques du monde, qui a dû penser que son égérie n'était pas assez blanche ! Et pourtant, de même qu'on recrute des stars chinoises pour toucher un public chinois, ou arabes pour toucher un public arabe, on peut penser qu'avec Beyoncé, c'est tout particulièrement un public de femmes noires ou métissées qui était visé par la firme de cosmétiques.

Et puis, zut alors, un petit coup de Photoshop, et le tour est joué !



Seulement voilà : comme si la chose n'était pas assez évidente, la firme dément :

Du côté de L'Oréal, un porte-parole affirmait jeudi que tout cela était faux. "Nous accordons beaucoup d'importance à notre relation avec Béyoncé Knowles. Il est absolument faux de dire que L'Oréal Paris ait modifié l'apparence ou la couleur de madame Knowles pour la campagne." Le contrat entre Beyoncé et L'Oréal rapporte à la chanteuse 3 millions d'euros en cinq ans. Pour gagner cette modique somme, 10 jours par an lui suffisent, le temps des séances photo et divers galas. Si la marque veut engager Beyoncé pour des jours supplémentaires, cela lui coûte 16.000 euros par jour. (1) 


Fort curieusement, les pétitionnaires qui sont tombés avec véhémence et à bras raccourcis sur l'infortunée Nathalie Dolivo, journaliste chez Elle, n'ont rien trouvé à redire sur le "photoshopage" (assez récent : 2008) de Beyoncé Knowles par L'Oréal, en tout cas, pas à ma connaissance. Parce que, si ça, ce n'est pas du racisme, alors je n'ai rien compris à rien !


Citation

 Ce vendredi, le site BondyBlog s'interroge justement sur les "codes de la beauté noire". "Dans les films et les séries, les femmes noires ont toujours le teint plus clair que les hommes noirs. Idem pour la chanson. Aux Etats Unis, plus leur carrière évolue, plus leur peau s'éclaircit et leur nez s'allonge. On attend aujourd'hui d'une femme noire qu'elle ne soit pas trop... noire", affirme Ndembo Boueya. "Je pense que le type de beauté noire aujourd'hui en vogue, à la Tyra Banks, crée des préjugés chez les Blancs et rabaisse la vraie beauté noire. Certaines femmes noires se font des complexes", témoigne Fatoumata. (1) 

Cela dit, il faut comprendre L'Oréal : pour un nombre apparemment croissant de femmes "noires", le nec plus ultra ne consiste-t-il pas à avoir le "teint clair", comme on dit dans les petites annonces du magazine Amina ?

Du coup, notre grande firme de cosmétiques va au-devant des désirs de ses clientes potentielles, pour lesquelles le premier canon de la beauté est d'être aussi blanche que possible, sinon, il n'y aurait pas tous ces produits éclaircissants ! Et, malgré ses dénégations, L'Oréal est parfaitement en phase avec le public visé !

Mieux : Beyoncé, elle-même, n'est-elle pas apparue dans le cadre d'une campagne de promotion d'un nouveau disque, avec le teint bien étrangement éclairci, le tout couronné d'une chevelure blonde ? Et ici, L'Oréal plaide "non coupable" ! Du coup, on s'interroge : qu'est-ce qui me dit que ce n'est pas Béyoncé elle-même qui aurait réclamé de L'Oréal la retouche controversée ? Ce serait une explication fort plausible,  histoire de toucher un public bien plus vaste que la seule cible ethnique, non ?

Prenez Rihanna, pa exemple : c'est quoi sa vraie couleur de peau ?



Et voilà le travail ! Après tout, on peut comprendre que Béyoncé cherche à ressembler un peu plus à sa mère (blanche) ; pourquoi pas ? Cela dit, ne soyons pas médisant : à l'instar de ses copines Alicia Keys ou Maria Carey, Béyoncé la métisse ne semble pas dédaigner le fait d'avoir un compagnon noir, en tout cas bien plus foncé qu'elle ! Alors, il est où le problème ? 




Le problème ? Lisez donc les petites annonces dans Amina..., qui me font toujours hurler de rire, dans le genre "femme noire (pauvre et fauchée) cherche homme blanc (riche de préférence)".

Vous voyez bien qu'il y en a qui ont parfaitement intégré les "codes blancs" !

By the way, juste en passant, à propos de Béyoncé, si j'aime bien ses courbes (cela dit, dans le genre, Ciara n'est pas mal du tout, voire un peu plus..., elle qui a parfaitement étudié Michael Jackson ; à part ça, quelle plastique !), je suis particulièrement allergique à sa petite voix de crécelle de chanteuse de 'or-èn-bi' (R'n B), moi qui ai été nourri à la mamelle des Aretha Franklin, des Anita C. Baker et autres Etta James : de pures chanteuses de Rythm and Blues et de soul. Et si vous voulez entendre une vraie chanteuse "black", à la voix de stentor - pléonasme ! - et quasiment inconnue au bataillon,  écoutez donc Yolanda Adams dans un vibrant hommage à Witney Houston... Et des Yolanda Adams, les églises noires américaines en regorgent !


Prochain épisode : Delirium tremens



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